Écrivain indé = écrivain de niche ?

Et par là, je ne veux pas dire “allez, à la niche le scribouillard !” Si vous êtes un tant soi peu familiarisé avec le vocabulaire marketing, vous savez déjà de quoi je parle : une niche est un secteur spécifique où un créateur / vendeur va chercher son public.

Une niche de marché est un petit segment de marché (en termes de clientèle ou de produits). Le nombre d’acteurs du côté de l’offre y est restreint mais la niche est considérée comme rentable, de par la structure peu concurrentielle de son marché.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Niche_de_march%C3%A9

Par exemple, la littérature est un terme général. La Science-fiction en constitue un genre. Le space opera en est un sous-genre. Le space opera avec des ratons-laveurs constitue une niche.

La prémisse est donc qu’il existe un lectorat pour cette niche. S’il n’a pas de lectorat, il n’y aura pas de ventes. Par contre, dans une niche à fort potentiel, l’auteur.re risque de se heurter à une forte concurrence, par le jeu de l’offre et de la demande. Une partie du boulot consiste donc, pour l’auteur indé, à chercher une niche à fort potentiel ET à faible concurrence. Bref, trouver une niche où la demande est forte, mais pas l’offre. C’est ainsi que Fifty shades of gray a percé dans la niche “Romance SM soft” et Twilight dans la niche “Romance avec ados vampires”. Dans les deux cas, carton plein, adaptation ciné, jackpot, et on ne compte plus le nombre de titres qui sortent dans cette niche depuis. Et je ne parlerai même pas de la niche “Romans Feel good”, que les maisons d’édition n’avaient tout simplement pas vue venir.

Ceci posé, je vous demande de réfléchir. Ce que je viens d’écrire présuppose que l’auteur indé chercherait avant tout le succès économique, le best seller. Ce n’est pas aussi tranché ! Rien ne l’est, dans la vie. Les motivations à se lancer en autoédition sont certainement aussi nombreuses que les auteur.es. Je ne vais pas tout lister, ce n’est pas le sujet. (vous pouvez lire mon article Auteur indé = Auteur raté si cela vous intéresse.)

Autre question : serait-ce différent pour le secteur de l’édition traditionnelle ? En réalité, les maisons d’édition ne fonctionnent pas autrement. Lorsque Stephen King proposa Salem, son deuxième roman, son éditeur l’avertit qu’il se condamnait à rester un auteur d’horreur. C’est ce qui se passa, même si l’immense carrière de King lui permit de dériver vers le thriller et le policier, et de tenter des incursions vers d’autres genres (et King était de toute façon ravi d’être considéré comme un auteur d’horreur).

Dans les différents livres que j’ai lus expliquant comment réussir sur KDP, cette notion de niche se révèle cruciale. Aux USA, il est fréquent que les auteurs indé sondent leur lectorat pour savoir ce qui leur plairait et leur offrir ce qu’ils demandent. Cela pose des questions sur l’essence de l’art. Est-ce qu’on écrit pour plaire et pour distraire ? Est-ce que la littérature ne consiste pas plutôt à sortir le lecteur de sa zone de confort ? Est-ce que pour faire fonctionner son entreprise, l’auteur indé doit d’abord se concentrer sur le marketing ? Ce sont des questions complexes qui n’ont pas de réponses faciles. La satisfaction de vivre de sa plume et de toucher un large lectorat constitue un moteur puissant et je serai hypocrite (et un mauvais entrepreneur) de prétendre que ça ne m’intéresse pas.

Je me considère comme un auteur inclassable. Mes Chroniques de la réanimation sont de la non fiction. Il s’agit d’un documentaire, proche d’une enquête journalistique, même si j’aime également le voir comme un bel ouvrage littéraire. Ma prochaine sortie, Le dernier western, est un polar / thriller. J’envisage de sortir ensuite un roman de SF cyberpunk, un roman dramatique, un roman jeunesse, sans parler d’une suite aux chroniques de la réanimation ainsi qu’un roman uchronique. Ouf, rien que ça. D’un point de vue marketing, cette stratégie est contre-productive et je ne vous invite pas à faire comme moi ! Alors pourquoi est-ce que je le fais ? Pourquoi est-ce que je ne vise pas moi aussi une niche ? N’allez pas croire que je me fous du succès et que je ne rêve pas de sortir un best-seller. Je fais le pari qu’en restant authentique, le lectorat le sentira et me suivra, même hors de ses lectures habituelles ou de l’image qu’il s’était fait de moi en tant qu’écrivain. Je fais le pari de devenir moi-même une niche. Je reconnais que c’est ambitieux, voire présomptueux. Quelques lecteurs me suivent déjà sur des projets qui n’ont que peu de rapports entre eux, alors je suis persuadé que ça peut marcher à plus grande échelle.

Si ça ne fonctionne pas, si je stagne et que le lectorat ne suit pas, qu’est-ce qui m’empêchera de changer de stratégie et de viser moi aussi une niche en particulier ? Rien. Je ferai ce que je veux. C’est la liberté que je m’offre. D’ailleurs, pour être honnête, j’ai un plan B (qui est bien plus qu’une roue de secours), mais je vous en parlerai dans un article futur. Les bonnes idées partagent souvent un trait commun : il est difficile de savoir si elles sont géniales ou stupides avant de les avoir tentées.

Il n’y a pas d’échec. Soit ça marche, soit on apprend. L’essence de l’entrepreneuriat, c’est d’abord de croire en soi et en son produit.


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