Personnages et anti-héros – Le dernier western

Très bientôt, mon nouveau roman va sortir. Le dernier western est un polar / thriller sombre, qu’un de mes alpha lecteurs a défini comme un “polar de bandits”. Je me souviens d’un autre qui m’avait dit : “Ils sont quand même vachement antipathiques, tes persos.” Au cours du très, très long processus d’écriture, de réécriture et d’arrachage de cheveux qui a abouti au roman que vous tiendrez bientôt entre les mains (en tout cas je l’espère), les personnages furent le moteur qui a maintenu ma motivation à flots.

Mon intention initiale était d’écrire un roman très noir, desespéré et peuplé d’anti-héros. Que les gentils soient des salauds et que même les héros soient détestables. Pourquoi ? Car je trouvais que trop souvent, les polars que je lisais cherchaient à adoucir un tableau qui se voulait pourtant représentatif d’une certaine idée du monde. Un monde qui serait l’antichambre de l’enfer et dans lequel les méchants gagneraient à la fin. À l’époque, j’avais été stupéfait par l’audace chorale d’American Tabloid de James Ellroy dans lequel il y a bien peu de personnages à sauver, tous étant immoraux à des degrés divers. J’étais ébloui par Caryl Férey, dont les protagonistes sont des écorchés vifs, souvent prêts à franchir la ligne qui sépare le bien du mal pour leur idéal de justice, quitte à y perdre leur âme.

Le fait est que j’y ai été trop fort sur mes premières versions du manuscrit du Dernier western. Un lecteur a abandonné le livre au premier tiers en m’expliquant que mes personnages étaient haïssables et qu’il n’accrochait pas. C’était la clé : Oui, on peut créer des anti-héros, mais pour que le lecteur plonge dans l’histoire, il doit ressentir un minimum d’empathie pour eux. On prétend que souvent, les salauds sont des gens qui ont manqué d’amour. Je ne sais pas, je ne suis pas psychiatre, mais une chose est certaine : on s’accroche davantage à quelqu’un qui agit mal parce qu’il souffre et qui est tiraillé par ses mauvais actes que par quelqu’un qui assume son comportement malveillant, voire y trouve du plaisir. Nous sommes des animaux sociaux et notre cerveau à besoin d’amour pour fonctionner. La fiction exige que l’on active chez le lecteur un minimum d’intérêt pour ce qui arrive aux personnages. Or, pour ressentir de l’intérêt, il faut s’inquiéter pour leur devenir et pour cela, il faut les aimer, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Je déteste utiliser des termes comme “il faut” ou “on doit” en matière d’écriture, mais certaines lignes sont infranchissables, c’est comme ça. C’est une des principales leçons que m’a offert Le dernier western.

Il faut (oui, j’insiste) ne serait-ce qu’entrouvrir la porte à la possiblité de la rédemption, tout au moins de l’évolution. Entrevoir que tel personnage a plus de nuances qu’on ne le croit et que rien n’est tout noir ou tout blanc. Car c’est la réalité ! J’avais été stupéfait, en lisant un livre d’histoire sur les camps de concentration, de découvrir que les officiers SS logeaient avec leurs familles à proximité immédiate des baraquements et des fils de fer barbelés. Que ces hommes rentraient chez eux le soir après le travail, accrochaient leur veste et leur casquette à tête de mort à la patère de l’entrée, puis embrassaient leur femme, leurs enfants, et jouaient avec eux. Ils ne se comportaient pas comme des monstres assoiffés de sang, violant et frappant à tour de bras tous ceux qui croisaient leur route. Ça n’excuse en rien leurs actes abominables et leur folie génocidaire, mais le fait est que nous avons du mal à concevoir que de tels bourreaux aient pu être humains. Nous préférerions les voir comme des démons, nier leur humanité car cela serait plus acceptable pour nous. L’intérêt de créer des héros lisses et des méchants sans pitié est facile à comprendre : Le lecteur ou le spectateur identifie facilement les émotions primaires. Pourquoi pensez-vous que Marvel remporte un tel succès ? Entre autres, parce qu’on se range du côté du faible et qu’on veut que le méchant soit puni, parce que cela nous rassure.

J’ai tenté d’amener un peu de nuances dans ces émotions binaires, en tout cas pour mes héros. Cole Travis est la pierre angulaire du récit. J’ai adouci ses traits de flic borderline, victime de syndrome de stress post-traumatique et cherchant dans la violence et les addictions un exutoire à sa souffrance. À la place du salaud que j’avais créé à la base, j’ai peint le portait d’un être profondément malheureux, qui sous ses airs de gros dur, mélange de Jason Statham et Bruce Willis, est d’abord quelqu’un qui n’arrive pas à s’aimer et se montre incapable de se pardonner ses failles et ses erreurs. Si on reprend l’exemple de Marvel, l’un des super-héros les plus populaires est bel et bien Tony Stark, le plus ambivalent de ces super justiciers, quelqu’un de vaniteux et égocentrique plutôt antipathique au premier abord. Regardez Game of Thrones : voilà un univers peuplé de conspirateurs machiavéliques prêts à tout pour accomplir leurs buts, mais osez me dire que vous ne ressentez pas un peu d’attachement pour Jaime Lannister au fil du temps… Revoyez Impitoyable de Clint Eastwood et dites moi que vous ne vous n’avez pas de la peine pour William Munny pendant les 3/4 du film… Que dire encore de Walter White, le légendaire chimiste de Breaking bad. Sans même parler du plus célèbre méchant de tous les temps, Dark Vador.

Finalement, gentil ou méchant, le problème n’est pas là (ah merci, tout ça pour ça !). Un des principaux écueils auquel on est confronté en tant qu’auteur est de tomber dans la caricature. À moins d’écrire pour un genre qui l’exige (la propagande par exemple), vous devriez toujours chercher à nuancer votre univers et vos personnages, car ces nuances apportent du contraste, de la crédibilité, améliorent la suspension d’incrédulité et enrichissent le récit.

Ce qui m’a poussé à ne pas jeter Le dernier western aux orties, à y passer tant de temps et à y investir tant d’efforts, ce sont Cole et sa fille Lucy. Je les aime profondément et je ne supportais plus leur portrait initial, beaucoup trop froid. Je voulais leur redonner des couleurs et leur laisser une chance d’être compris par vous, lecteurs et lectrices. C’est pour eux que je me suis battu et j’espère que comme moi, vous frissonerez à leur côtés. Que comme moi, vous fustigerez certains de leurs choix, condamnerez certaines de leurs actions, mais tremblerez devant leurs épreuves et que comme moi, vous ne les jugerez pas, mais apprendrez à les aimer pour ce qu’ils sont. Ce serait ma plus belle récompense.

Le dernier western – Sortie bientôt.

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4 réflexions sur “Personnages et anti-héros – Le dernier western

  1. Quand je repense à Cole et à Lucy, je ne vois pas des personnages antipathiques ! Tu les as vraiment bien bossés, surtout Cole, qui reste haïssable tout du long, mais pour qui on a une profonde peine. Je suis d’accord avec toi, pour le reste ! J’essaye également de faire des personnages qui ne sont pas lisses, même si on identifie les “gentils” et les “méchants”, qu’ils ne soient pas exclusivement un rôle ou l’autre. C’est parfois plus compliqué que ce qu’on pourrait croire ! On a vite fait de tomber dans certains travers !

    1. Cole était vraiment un fumier dans les premières versions que j’avais écrites ! Je le préfère comme ça, même s’il n’est pas tendre. Tu as raison quand tu dis qu’on peut vite tomber dans certains travers. On a tous des archétypes, des canevas mentaux dont il faut réussir à se détacher lors du processus d’écriture. C’est d’autant moins facile qu’on ne s’en rend pas toujours compte. D’où l’intérêt de faire lire son texte à des beta-lecteurs. 🙂

      1. J’écris pas mal de romance. Bon, souvent, les personnages ont un grain. Mais il y en a un en particulier, quand j’ai relu ce que j’avais fait, tous mes drapeaux rouges se sont hissés. J’ai mis un peu le projet de côté avant de revenir dessus parce que j’avais vraiment créé un psychopathe.

  2. Tout dépend de ce que tu veux faire, en écriture tout est possible ! Prendre le point de vue du “méchant” se fait dans certains thrillers et quand c’est bien fait, c’est puissant. (je pense par exemple au roman Au-delà du mal de Shane Stevens, mais il existe une tonne d’exemples)

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