Le kindle en voie d’exctinction !

J’ai accompagné mon premier café du matin par la lecture d’un article intéressant de Michael Kozlowski, qui ne laissera pas indifférents les auteurs indé. Article intéressant surtout par son côté gentiment putaclick. Je me suis dit que c’était tout de même l’occasion de faire le point sur le marché du livre.

Michael Kozlowski est journaliste, spécialiste des audiobooks et livres numériques depuis 12 ans. Ses articles sont apparement souvent repris par CBC, le New York Times ou le Huffington post. Quand ce monsieur dit quelque chose à propos des livres numériques, mieux vaut donc l’écouter avec attention. Je ne remets pas en doute ses compétences et connaissances. Mais ses intentions semblent un peu moins claires. Parce que cet article est un véritable coup de tonnerre dans les rangs des auteurs KDP ou des lecteurs qui affectionnent les e-books !  Parce qu’il annonce tout simplement la fin du kindle à courte échéance !

Carrément.

La division Amazon devices qui est en charge du Kindle (la liseuse) gère aussi Alexa, Echo, les écouteurs Amazon, les TV Fire et les tablettes Fire. Cette division fonctionnerait à perte depuis des années. Elle perdrait ainsi au moins 5 milliards / an. Il semblerait qu’Amazon ait décidé de changer de stratégie et de limiter les pertes en licenciant 10 000 personnes parmi les 75000 de la division. Alexa paraît bonne pour l’euthanasie. Jusque là, l’article tient à peu près la route, dans un contexte économique difficile pour les GAFAM (tout est relatif).

Michael Kozlowski nous apprend ensuite que la firme est en train de mettre dehors de nombreux concepteurs, designers et testeurs de l’équipe Kindle. Le créateur de la liseuse, Gregg Zehr, qui était en charge du développement de l’appareil depuis 18 ans, a pris sa retraite au mois d’août 2022 (suivi par le créateur d’Alexa et 19 autres cadres importants de la compagnie). Mais le changement le plus important a eu lieu à la tête de l’hydre destructeur du monde, puisque Jeff Bezos a laissé sa place à Andy Jassy et que les deux hommes ne partagent pas la même vision stratégique. Bezos a commencé en vendant des livres en ligne, qu’il emballait et expédiait lui-même. Les livres (selon l’auteur de l’article) ont toujours été une de ses passions et le fer de lance de sa stratégie entrepreneuriale, pour le pire (un bouleversement du marché du livre qui a occasionné la fin de nombreuses librairies) ou pour le meilleur (une digitalisation qui offre un choix quasi illimité aux lecteurs). Michael Kozlowski explique dans son article que cela, c’est terminé. Amazon se tournerait vers le marché des séries et de la musique en ligne, bien plus rentables. Il semblerait que le nouveau patron ne voit pas l’intérêt de développer un outil destiné uniquement à la lecture alors qu’une tablette se montre versatile et permet de regarder des séries, d’écouter de la musique ou des livres audio et de lire livres et magazines.

La fin du Kindle semble donc acté. Ah bon. Pourtant, Amazon vient de sortir une toute nouvelle liseuse, la scribe (plus chère que jamais), et le journaliste ferme volontairement les yeux sur un point crucial : La Kindle ne fonctionne pas avec des fichiers Epub, mais avec un format propriétaire. Comment Amazon justifierait auprès de ses millions de clients que tous leurs ebooks achetés depuis des années seraient bons pour la poubelle ? Cette idée paraît grotesque, car un géant comme Amazon sait que le client est roi. C’est même sa marque de fabrique (testez le SAV d’Amazon si vous n’êtes pas convaincus…). Une telle décision provoquerait un tollé et une perte d’image non négligeable. Ensuite, l’auteur nous dit que la division Amazon devices serait même vouée à disparaître. Mais trois paragraphes plus loin, il écrit sans s’inquiéter de la vraisemblance que la tablette Fire dévelopée par cette même division est destinée à lire, écouter musique et audiobooks et regarder les séries Amazon prime. Ça sent légèrement la fumisterie, tout cela.

Partons tout de même de l’hypothèse que l’appareil en lui-même soit destiné à disparaître. Qu’en est-il du livre numérique aujourd’hui ?

Le marché du Ebook n’a pas suivi les projections délirantes d’il y a quelques années, qui annonçaient la fin du papier.

According to the Association of American Publishers’ annual report, the dominance of physical books still holds up, with $22.6 billion coming from print copies compared to $2.04 billion for eBooks in 2019.

https://goodereader.com/blog/electronic-readers/is-predicted-ereader-decline-indicating-reverse-digitization

Selon l’assocciation des éditeurs américains, en 2019, les livres papier ont rapporté 22,6 millards de dollars contre 2 milliards pour les Ebooks (aux USA).

Clairement, le papier rapporte davantage. Pour autant, le numérique ne va pas disparaitre ! La part de lecteurs qui lisent en numérique reste plutôt stable depuis 10 ans. Et l’audiobook a gagné presque 10% de consommateurs.

En tant qu’auteur indépendant, qu’est-ce que cela signifie ?

Le marché des liseuses électronique est peut-être en déclin, c’est assez dur à dire, en grande partie à cause de la pandémie qui a faussé les données. Si Amazon, le leader du marché, venait à jeter l’éponge, on peut parier que ce sera la fin de ces appareils, sur une échéance assez brève. Mais ça paraît difficile à croire. Un autre article (au titre assez explicite) explique que les ventes de liseuses chutent depuis 2021. Mais qu’elles ont explosé en 2020, durant la pandémie. Et ce même article, après avoir démontré chiffres à l’appui, que les ventes de liseuses se cassent la figure, explique que ces chiffres ne prennent pas en compte… Amazon. Le gérant du secteur. C’est à se demander si ce ne sont pas les usines de papier qui financent ces articles.

Mais si les gens achètent des livres numériques alors qu’ils n’achètent pas de liseuse, comment lisent-ils ?

Apparemment, sur leur téléphone. Ou sur tablette. Toujours selon Michael Kozlowski, le smartphone est l’appareil préféré des lecteurs numériques.

À titre personnel, j’adore ma liseuse. Compacte, très agréable pour lire (rien à voir avec un écran de téléphone justement), elle bénéficie d’une autonomie impressionnante (une charge dans le mois, et encore), permet de stocker une quantité quasi infinie de bouquins et cerise sur le gâteau, on peut lire un pavé sans se démettre une épaule, ou lire la nuit au lit sans réveiller sa conjointe / conjoint. Je n’arrive pas à lire de romans sur mon téléphone, ça m’explose les yeux, mais je comprends le côté pratique. D’autant plus que plus de 90% des gens possèdent cet appareil. Mouais. Quand je suis dans le métro, tout le monde est rivé à son téléphone, mais je vois les gens sur Spotify, Youtube, Instagram ou en train de jouer (oui, je fais partie de ces gens qui regardent en douce ce que vous foutez sur votre téléphone ^^) .

En tant qu’auteur indé, malgré tout, il est probablement judicieux de prendre cet aspect en considération. Vérifiez que votre fichier est optimisé pour la lecture sur un téléphone ou une tablette. KDP vous permet de le faire facilement. (prenez garde, par exemple, à la taille des titres)

Pour le reste, ce déclin soi-disant annoncé des liseuses, s’il devenait réalité, ne changerait pas grand-chose pour les auteurs.

Les gens continuent de lire des livres. Si le papier a leur préférence, ils lisent aussi en numérique. Qu’ils utilisent leur smartphone, une tablette ou une liseuse, ça ne change rien pour l’auteur. Le livre audio est lui en essor et va sans doute poursuivre son développement.

En tant que lecteur, mon expérience du numérique est excellente. Pour moi, le numérique est complémentaire au papier, les deux formats ne sont pas en concurrence. J’achète certains livres dans les deux formats, certains seulement en numérique, d’autres seulement en papier. Toujours en tant que lecteur, j’enrage contre les prix délirants, abusifs et totalement injustifiés qui s’affichent depuis peu par les grosses maisons d’édition. Vendre un livre numérique à 16 euros constitue selon moi une escroquerie pure et simple. Je serai en faveur d’un encadrement du prix du numérique par la loi, puisque seule la répression semble en mesure d’empêcher les éditeurs de faire n’importe quoi.

En tant qu’auteur, je suis davantage réservé. Je ne suis pas encore parvenu à percer ce marché. 90% de mes revenus KDP viennent du papier. Ma dernière grosse sortie, Le dernier western, s’est écoulé à moins de 20 exemplaires en numérique, une catastrophe. Il a par contre été téléchargé illégalement plus de 300 fois sur la même période (le chiffre est sous-estimé puisqu’il s’agit d’un seul site de Torrent que j’ai repéré, il y a sans doute d’autres). C’est un crève-cœur et ça me laisse amer, car je ne vends pas mes livres à 16 euros, justement. Pour moi, c’est un désastre qui signe l’échec de ce livre en plus d’une débâcle financière. Cela a de l’impact sur mes projets futurs.

Tout n’est donc pas rose au pays du numérique.

Par contre, le sujet fait vendre et cliquer. J’aurais pu me contenter de reprendre l’article de Michael Kozlowski tel quel, l’agrémenter d’un titre effrayant, et j’aurai peut-être augmenté le trafic sur mon site facilement. Mais je me suis fatigué à chercher d’autres sources et rédiger un article plus complet. Je préfère fournir une information de qualité à 4 ou 5 lecteurs attentifs plutôt que raconter n’importe quoi à 1000 lecteurs potentiels. Ouaip, je suis bizarre, inadapaté. Et c’est peut-être pour ça que vous me lisez.


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